mercredi 26 décembre 2012

Nouvel an : "Cette année, j'arrête de fumer !"


Cet article est à retrouver sur Le Bruit des Glaçons

Il était bien ce nouvel an chez Cynthia, c’est pour le lui prouver que vous avez englouti ses carottes et autres choux-fleurs crus dégueulasses de trentenaire Weight Watcher. Vous pensiez être un métro-sexuel bio-épicurien quand tout le monde vous voyait comme un escargot asexué. Vous aviez tellement la dalle que vous avez fumé clope sur clope, et ça votre ex vous l’a bien fait remarquer. Vous l’aimiez bien celle la, sous ses airs de gauchiste fumeuse de joint, elle vous a emmerdé toute la soirée avec vos cigarettes remplies de mercure et ses blagues de baba - Quel est le fruit le plus végétarien ? -La pastèque, pas steak (...) 

Du coup, dans un ultime espoir de lui clouer le bec, vous avez pris votre première bonne résolution. Levant votre verre face à une tablée avinée, vous brandissez un «Cette année, j’arrête de fumer !» qui finit en débat sur la dépénalisation du cannabis puis sur le mariage gay. Bravo, vous avez niqué la soirée. En revanche, votre meuf, très branchée sur votre fertilité, vous assure que l’arrêt du tabac est une bonne chose, que vous aurez plus de chance d’avoir un marmot et que du coup, il ne sera pas trisomique. Vous reprenez un verre de vin. 

Le lendemain, vous vous réveillez avec un cendrier dans la bouche, déterminé à vous mettre au boulot. Entre les spams pour vous muscler le périnée et ceux pour avoir des abdos via l’hypnose, vous tombez sur la cigarette électronique. Prêt à en découdre avec votre futur cancer et prêt à engraisser de nouveaux lobbys pouvant compter sur un marché de 15 à 20 millions de clients potentiels en France, vous commandez illico votre e-cigarette qui vous semble être la meilleure réponse à votre sevrage. 

Quelques jours plus tard, après avoir fumé 2 paquets par jour «parce qu’après c’est fini hein», vous ouvrez votre colis contenant votre e-clope. À première vue, c’est une sorte de tampax à caler entre vos lèvres qui imite le geste de votre clope, fait de la fumée comme votre clope, a de la nicotine comme votre clope MAIS ne semble pas nocive. Enfin, on n’en sait rien, l’objet est trop récent pour qu’il y ait des études viables; les études qui se sont proclamées positives vis-à-vis de la e-clope se sont révélées être quasiment toutes financées par les entreprises impliquées sur le marché. Ça nous rappelle les cigarettiers des années 60, on aime bien le vintage mais ce côté là on le préfère dans Mad Men

Au Bruit des Glaçons, on est quand même prêt à tout risquer pour notre lectorat bien aimé alors ni une ni deux, on a vapoté l’engin pendant quelques semaines. On en a aussi profité pour fréquenter les nerds des forums e-clope, histoire de prendre la température. Beaucoup d’anciens fumeurs, prêts à vanter l’objet comme miraculeux. Les communiquants ont bien fait leur boulot : on s’est retrouvé face à des ambassadeurs de la e-cig qui, alors que les industriels n’ont pas le droit de communiquer sur l’effet sevrage, vantent principalement cet attribut. Au final, ces mecs sont aussi chiants que ceux de Cannaweed, la rationalité en plus. 

Toutefois, force est de constater que malgré un goût ignoble de prime abord, la e-cig permet de ressentir le même petit «hit» qu’une clope à l’inhalation, l’haleine fétide en moins, vous crachez la même fumée que les machines de boite de nuit. Ça marche plutôt bien, vous commencez à délaisser de plus en plus votre paquet de clope à 6€60, du moins à la maison. Effectivement, bien que le principal argument mis en avant par les industriels soit qu’on puisse la fumer dans les lieux publics, vous vous faites régulièrement taxer de bobo, vous collectionnez les regards moqueurs et, qui-plus-est, l’herpès de vos potes qui veulent absolument baver dessus. 

En résumé, pour ceux qui n’ont pas eu le courage d’aller jusqu’au bout : la e-cig est un moyen efficace pour se sevrer du tabac mais c’est sans oublier que les e-liquides que vous utilisez pour recharger sont composés de produits chimiques qui ne font l’objet d’aucun contrôle, mais aussi et surtout, de nicotine. En d’autres termes, vous troquez votre addiction pour une autre, qui semble toutefois moins nocive de prime abord. À voir sur le long terme, si vous arrivez à décrocher totalement, les doses de nicotine peuvent être réduites pour vous dépêtrer physiquement du tabac. En revanche sur le plan psychologique, le geste est loin d’être éradiqué, bien au contraire, on a tendance à vapoter en permanence. 

Bon courage !

Paul Bousquet

mardi 13 novembre 2012

COMMENT BIEN CHOISIR SA PIQUETTE ?


Article publié dans le blog : Le Bruit des Glaçons

Partant du constat que le Vieux Papes est la vinasse la plus vendue de France, Le Bruit des Glaçons a décidé de tirer la sonnette d’alarme et te donne les clefs pour choisir ton pinard bas de gamme sans pour autant passer pour un chômeur en mal de RSA.

Le contenant comme réponse à la pauvreté du contenu


Musset disait : «Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.», Musset se défonçait à l’opium et adorait l’absinthe, il avait le palais réduit en charpie avant même d’avoir soufflé ses trente bougies. Inutile donc de te servir de lui pour légitimer cette bouteille de blanc liquoreux achetée à l’arabe du coin passé 21h. Tu n’as plus 17 ans et plus personne n’en veut, ni tes amis, ni toi. Respecte-toi. Ces injonctions certaines à ton rayonnement social deviennent coutumières ? Rentrons dans le vif du sujet : Blanc ? Rouge ? 

Il est 18h03, sms du petit colis que t’as levé vendredi dernier qui t’invite à remettre ça. En parfait gentleman, tu ramènes une bouteille. Une littéraire préfèrera du rouge, classique et classe, les dents noires ? Rien à foutre, elle aime les aspérités qui te rendent humain mais n’hésite pas à faire un tour dans la salle de bain de temps en temps pour cracher ton tanin. Inversement, les scientifiques et commerciales préfèreront du blanc voire du champagne les jours de paye, peu à l’aise avec une image écornée par de la vinasse qui empâtent les gencives. 

Le choix de la bouteille

Tu prendras la bouteille la plus classique possible. Moins de fioritures c’est moins de coût de production et donc plus de qualité gustative pour un prix faible. Tu t’en tiendras au territoire ancré dans l’inconscient collectif : Bordeaux. Chacun a déjà dépouillé la cave de ses parents à 15 ans en s’enfonçant un Saint-Emilion dans le gosier, chacun a aussi repéré l’étiquette «Grands Vins de Bordeaux», sache qu’on en trouve pour moins de 4€. 

Le vin bio est aussi une bonne option. Longtemps taxé d’acidité et d’aigreur, ce dernier est très accessible et fait peu à peu son apparition sur les petites et grandes tables. Pour faire court, le bio n’use pas de désherbant, les racines des vignes sont contraintes de puiser des minéraux plus profondément qu’un vin traditionnel, apportant ainsi plus de saveur... et d’inégalité entre crus. Tu useras donc du bio avec précautions, par snobisme écologique, au même titre que tes clopes biodégradables : un peu dégueulasse mais plaisant pour ta conscience. 

Pour peu que tu organises un dîner chez toi, une solution évidente s’offre à toi : la carafe. De préférence design si tu ne veux pas rappeler le côté cantinier de ton institution éphémère, la carafe est choisie par les sommeliers de tous bords pour ses vertus de décantation, d’aération et pour plein d’autres termes suspects dont tout bon néophyte se fout, elle aura le mérite de révéler ton côté épicurien soigneux à l’égard de ses invités. Elle te permettra en outre d’y flanquer toute la piquette et les cubis qui se trament dans les bas-rayons de Carrefour. Cheers ! 

Paul Bousquet

lundi 16 juillet 2012

Tristesse Contemporaine - Tristesse Contemporaine (2012)

Cet article est à retrouver dans le numéro 14 de Crumb Magazine.
Label : Dirty / Pschent Music 
Date de sortie : 25 Mars 2012

D’apparence cosmopolites, nos métropoles sont rapidement devenues tentaculaires. Erigeant les fantômes et le sang versé en statues, portant les cicatrices des époques, nos villes contemporaines reflètent le poids des combats. Les combats triomphants de nos idéaux démocratiques sur la sauvagerie, le poids des âmes écorchées. Cet héritage culturel que l’on balaie, par habitude, d’un revers de main chaque matin en se rendant au bureau prend une toute autre ampleur avec des yeux étrangers. Ce n’est qu’à l’étranger que l’on prend le temps de s’enivrer de l’histoire pour essayer de capter l’ambiance, la culture, les mimiques, ce n’est qu’à l’étranger que l’on mesure le poids du passé. 

Malgré son patronyme français, Tristesse Contemporaine est un groupe d’exilés venus poser leurs valises à Paris. Narumi est japonaise, Léo est suédois et Maik est anglais et accessoirement, le chanteur d’Earthling. Assommés par le poids de l’histoire et assoiffés de comprendre l’époque dans laquelle ils vivent, Tristesse contemporaine érige un constat froid et métronomique tout en négation à la manière de The XX en 2009. C’est sensiblement la même ambiance nocturne qui se dégage de cet album. Une voix trip-hop feutrée et fatiguée, des choeurs cotonneux, une ligne de basse omniprésente, des références communes - Joy Division, The Cure, mais aussi une pointe de modernité grâce à la production léchée de Pilooski qui trace le sentier de nos oreilles via une mise en relief des basses, permettant de se retrouver dans ces sonorités brumeuses et entêtantes. 

Tristesse Contemporaine érige le constat vaporeux et hypnotique d’une génération nombriliste qui se perd dans les dédales de ses pensées nocturnes, une génération de fourmis grandiloquentes et déracinées qui se réveillent tous les matins avec la gueule de bois. Un univers que les milieux branchés, adeptes des énergies froides, se sont empressés d’incorporer notamment avec «I Didn’t Know» qui rythma le dernier défilé Chanel. Un excellent disque en somme, parsemé de volutes d’opium, lorgnant plus du côté narcotique que mélancolique. Foncez.

Paul Bousquet

Darius - Velour EP (2012)



Cet article est à retrouver dans le numéro 14 de Crumb Magazine.

Label : Shiny Disco Club
Date de sortie : Avril 2012

Concernant la scène électronique française, 2012 se présente peu à peu comme un millésime. Après l’excellent EP - Down The Road des C2C en début d’année, c’est au tour d’un jeune bordelais d’haranguer les foules. Darius aka Terence N’Guyen crée la bande son de l’été en sortant son premier EP, Velour. 

Le Velour, cette matière noble, chaude et sensuelle qui se décoiffe dés qu’on l’errafle. D’apparence sensuelle avec des titres béats comme Falling In Love ou Dans Tes Yeux, la musique de Darius se révèle très vite remplie de ces petites aspérités charmantes que l’on ne ressent qu’avec les doigts. Armé de ses samplers, Terence N’Guyen crée une bulle synthétique. Une bulle de sodium remplie de sable chaud, de surfeurs photoshopés et de nanas intellectuelles en bikini. Ces pimbêches aux yeux clairs de la côte Atlantique, toujours plus blondes, toujours plus bonnes. Une carte postale de fin d’après-midi où les corps naïfs et satinés cotoient du bout de l’orteil les écumes bleues nuit dans un soleil couchant. Ces corps qui se meuvent sous les synthétiseurs hypnotiques et finissent par se désosser sous les beats funky. Des sonorités french touch très 90’s qui ne sont pas sans rappeler les débuts des Daft et leur Homework

En bref, cet EP est un hymne à cette belle saison qu’est l’été : ses Road Trip, ses afterworks éthyliques en terrasse et ses plans dragues éphémères de gros lourd qui ne reste qu’une semaine. Que dire de plus ? Bonnes vacances, vous les avez bien mérité.

Paul Bousquet

samedi 9 juin 2012

Toulouse : comment les défenseurs de l’Occitan cherchent à en faire oublier son folklore

Article destiné à l'EJT, sujet : Folklore.

Sur la Place du Capitole, lorsque l’on interroge un citoyen de la ville rose sur ce qu’est le folklore toulousain, il vous parlera du soleil, des bonnes tables, du rugby ou du Pastis Ô Maître de Chez Tonton. Quand on lui demande sur quoi il est en train de marcher, il saura vous répondre neuf fois sur dix qu’il s’agît de la Croix Occitanne puis se tapotera la tête en disant «Ah beh oui pardi, il y a l’occitan aussi !»

Toulouse, bien qu’elle l’oublie parfois, est l’une des principales capitales de l’Occitanie, l’aire linguistique qui s’étend du nord de l’Espagne au nord de l’Italie, en passant par le pays basque, Monaco et Marseille. Ecrite depuis le XIIème siècle et riche d’une littérature fournie, la langue d’Oc était la langue des troubadours, ces poètes médiévaux qui inventèrent par exemple l’amour courtois en répandant l’idée novatrice de fidélité à la dame plutôt qu’au seigneur, la langue des créateurs d’une vie de château raffinée, révulsés par la barbarie dans une époque où la lame de l’épée baignait constamment dans le sang. 
À partir du XVIème siècle, la royauté imposera peu à peu le français comme langue administrative, affaiblissant la langue d’Oc. À la Révolution, ce seront les jacobins qui, dans une ultime tentative d’unité nationale, imposeront le français comme seule langue officielle. Toutefois, l’occitan perdurera, mais seulement de manière orale, devenant ainsi la langue du bas-peuple sans éducation. On parlera désormais de «patois», une langue populaire sans aucun prestige intellectuel, la langue des paysans et des sous-fifres laborieux. 

En 1901, 59%* de la population française est rurale. Au sud, les gens vivent de leurs terres et cultivent de leurs mains, ils parlent occitan et vont au bal en fin de semaine pour danser la buffatière, la danse des Treilles ou encore la polka. Puis l’exode rural se trame, le secteur primaire de l’agriculture se réduit au profit des services du secteur tertiaire. La transition vers les villes s’opère et les traditions occitannes de sources orales se tarrissent peu à peu. Loin de l’image raffinée de ses débuts, l’inconscient collectif juvénile rejette catégoriquement l’occitan. «L’occitan ? Mais c’est la langue des vieux ça, non ? Mon arrière grand-mère parlait comme ça.» nous confie Laura, 16 ans, élève de 1ère. 
Quand on lui parle de manifestations folkloriques, Jean-Pierre, 76 ans nous rétorque avec soupirs que «ça ne se fait plus, les jeunes préfèrent aller en discothèque que danser au bal, ça peut se comprendre mais du coup, plus personne ne transmet la tradition.» 

Pourtant, depuis sa création en 1998, l’association Convergéncia Occitania de Toulouse met tout en oeuvre pour redorer le blason de l’Occitan. Proposant des cours ou des spectacles culturels tels que le festival Seméserem du 6 et 7 juillet 2012. Daniel Périssé, membre du bureau, nous explique que «l’occitan doit prendre un nouveau souffle, se détacher de cette image de fanfare folklorique qui le dessert. L’occitan doit être réintroduit à sa juste valeur, celle de langue des troubadours, savante, chantante et raffinée.» 

Une vision partagée par les parlementaires qui ont adopté le 22 mai 2008 un amendement modifiant l’article 1er de la Constitution en y incluant la reconnaissance des langues régionales comme «patrimoine de la nation». Une victoire qui s’illustre aussi par les actes de la mairie de Toulouse. Le député-maire Pierre Cohen a mis en place à la rentrée 2009 l’annonce des stations du métro toulousain en français, puis en occitan. Les plaques des rues de l’hypercentre sont elles-aussi traduites et certaines classes de maternelles, en école publique, parlent aussi occitan. Daniel Pisseré conclut : «Dans l’absolu, même si ce n’est certainement pas possible pour le moment, on aimerait une sorte de fédéralisme informel, comme en Espagne entre catalans et castillans». 
Une option qui passerait d’abord par la reconnaissance du statut officiel de l’occitan et des autres langues régionales par la loi et la Constitution, objet de la manifestation occitane du 1er avril dernier à Toulouse à laquelle avait participé Eva Joly qui s’engageait dans ce sens. Les occitans ne sont pas les seuls à revendiquer cette reconnaissance des langues régionales, les corses et les bretons ont les mêmes ambitions. Dans une Europe qui veut reconnaître ses racines, notamment avec sa Charte des Langues Régionales et Minoritaires signée par la France en 1999, Jean-Marc Ayrault se devra tôt ou tard de clarifier la position de son nouveau gouvernement sur le sujet, en tenant compte de l’avis réticent du Conseil Constitutionnel mais aussi de François Hollande, qui a inscrit la ratification de cette charte parmi ses 60 propositions.

Paul Bousquet