lundi 18 octobre 2010

Sufjan Stevens - The Age Of Adz (2010)



Date de sortie : 12 octobre ‘10
Label : Asthmatic Kitty

Tracklist :
 

La plupart des albums sont produits pour être écoutés dans un état d’esprit précis, en voiture, en charmante compagnie ou encore dans un bar glauque rempli de bas-résilles. Sufjan Stevens n’est pas de ceux la, lorsqu’il accouche d’un disque, il crée un monde et l’auditeur plonge dedans tête la première. Macabre parfois, sublime souvent, propice aux divagations nocturnes, toujours.

Sufjan n’est pas tout à fait sain d’esprit. Souvenez-vous il y a quelques années, il avait projeté un peu follement de créer 51 albums pour les 51 états des Etats-Unis. Après Illinois et Michigan, il abandonne l’idée et préfère imaginer ses propres contrées avec The Age of Adz. Un univers irrationnel et grandiloquent synthétisant la plupart des maladies mentales connues à ce jour, qui s’établit à mi-chemin entre la brume d’un manège désaffecté et la noirceur d’un manoir patiné rempli d’ectoplasmes vocalistes. Cette atmosphère déséquilibrée est notamment illustrée par l’alien sur la pochette. C’est une œuvre de feu Royal Paterson, ermite peintre qui a été d’une lourde influence pour cet album selon Sufjan. Il fut une figure récurrente de l’art outsider, autoproclamé prophète, doté d’un tempérament mysogine et schizophrène, l’artiste peignait le monde selon ses propres visions futuristes, profondément influencées par les prophéties bibliques, la numérologie ou encore la science fiction. Tout ceci rappelle étrangement le jeune garçon, son rapport à la religion, ses rêveries et ses frayeurs. C’est presque possédé que Sufjan a composé ce disque trempé dans des larmes salées d’euphorie ou de mélancolie.

Oubliez la folk sirupeuse et intimiste d’Illinois. Pour son troisième disque, Sufjan est entré dans le XXIème siècle et a énormément travailler avec des sonorités électroniques –Auto-Tune, synthétiseurs, boites à rythme…-. En plus de sa voix angélique, il empile les effets et multiplie les instruments –cuivres, cordes, flutes..-,  mettant à mal votre estomac lors des premières écoutes. Cette avalanche d’arrangements sonne symphonique et baroque au final tout en restant cohérente : rien n’est de trop. C’est là tout le miracle de cet opus, on peut parler de génie, de disque extraordinaire, le travail accompli est pharaonique et cela se ressent. Les morceaux sont fluides, tortueux, puissants et confèrent une impression de grandeur parfois oppressante, comme un enfant égaré dans un paysage apocalyptique qui met son âme à nue.

The Age Of Adz n’est pas une démonstration technique indigeste. Malgré sa complexité, il empoigne, transporte et fait renaitre les vieux démons qui sommeillent en vous. Sufjan Stevens signe ici un chef d’œuvre expérimental, titanesque et parfaitement maitrisé. Une véritable toxine addictive qui rampe dans l’hippocampe et lapide les synapses à grand coup d’angélisme et de grâce, un cataclysme émotionnel qui prend légitimement place sur le podium 2010.

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