dimanche 27 novembre 2011

Justice - Audio,Video, Disco (2011)



Label : Ed Banger Records
Date de sortie : 26 octobre '11

Le nouvel album de Justice est l’occasion parfaite pour rappeler le chemin qu’a parcouru la musique électronique avant d’atteindre le grand public. Tout simplement car Justice a été l’étincelle propulsant cette musique de garage au rang de genre majeur. Vous me direz que Daft Punk, les Chemical Brothers ou encore Fatboy Slim l’avaient fait en début de millénaire. Vous n’auriez pas tort. Seulement ces derniers n’ont pas créé de véritables lifestyle Electro, n’ont pas enivré toute une génération et n’ont surtout pas donné goût à la MAO - ndlr : Musique Assistée par Ordinateur, désormais accessible par tous grâce aux prouesses de l’informatique. Mais commençons par le commencement.

2007, le ras-de-marais Ed Banger crée la sensation. À l’origine : Pedro Winter, le manager des Daft Punk. Baignant depuis plus de dix ans dans la sphère électronique, il débusque de jeunes talents et monte son label en 2003, Ed Banger Records. C’est le début du plus gros label de musique électronique du monde. À ses côtés, des amis : SebastiAn, Justice, Breakbot, So-Me, DJ Mehdi - RIP, Uffie, Feadz, Kavinsky, Mr Flash, Mr Oizo.
Une dizaine d’adulescents trentenaires qui démocratisent le son que les producteurs du monde entier ne vont pas tarder à leur envier : l’electro/rock. Très loin des Guetta, Sinclar et Solveig qui hantent les samedis soirs, les gars de Ed Banger créent le son citadin, celui qui assume son côté béton armé et caniveau sans jamais lorgner vers les plages d’Ibiza, celui qui s’écoute avec une pinte de bière et du poil plutôt qu’un whisky-coca et une chemise cintrée auréolée.
Un son parfois symphonique, souvent barbare mais surtout addictif. Et Ed Banger ne s’arrêtera pas là, ils créeront le lifestyle qui va avec.

2008, So-Me, le directeur artistique de l’écurie, entend bien mettre ses talents à contribution et réalise les clips des petits protégés. Il lance les hostilités avec D.A.N.C.E. Deux types saucissonnés en slim marchent à la Bernard de la Villardière dans des backstages branchés, leurs tee-shirts s’animent avec la bande sonore, illustrant les paroles dans un patchwork de graphismes fluo. Succès immédiat, les tee-shirts reproduits s’arrachent partout. Colette est dévalisé et les Cool Cats sont à tous les coins de rue. La veste en cuir 80‘s aux extrémités molletonnées renoue avec les jeunes qui en profitent pour faire dépasser leurs capuches flashy. Le lifestyle naît. Empruntant les sneakers du hip-hop, les slims du rock et les tee-shirt flashy de l’electro, les petits gars de Justice créent la mouvance fluo, faisant la gloire d’American Apparel et autres Sixpack, mouvance qui sévit toujours si vous avez moins de 17 ans.

À la manière d’Apple, la force d’Ed Banger n’est pas d’avoir des fans mais plutôt des adeptes de leur style de vie. Chaque artiste du label crée une ambiance particulière capable de rythmer vos journées avec fraîcheur et décontraction. Mr Oizo vous pousse du lit, Kavinsky rythme vos balades auto en puisant ses racines dans les synthétiseurs 80’s de K-2000, titillant ainsi vos rêveries de gamin à bord d’une Mustang vrombissante - Cf Drive. Breakbot créera la musique d’afterwork, celle qui vous accompagnera tout en groove lancinant vers les méandres de la nuit. Justice rythmera votre soirée, SebastiAn vous couchera et Uffie vous bordera.

Tout cela s’est fait en créant des sons cools qui vous élèvent socialement, des sons qui mettent d’accord les auditeurs mais aussi les critiques. Pas besoin de références musicales pour capter les clins d’oeil, pas besoin de masser les oreilles de quelques écoutes préalables avant d’apprécier. Il suffit de mettre «Play» et de toucher le point G de l’audition. Le résultat est sans appel, vous n’avez qu’à regarder un live de Justice. Des milliers de personnes en transe sous des coups de batteuses électriques.

C’est donc avec beaucoup d’appréhension que l’on aborde ce second album : Audio, Video, Disco. Après quatre ans d’attente, que reste t’il de la french touch ? L’étincelle de la mouvance électronique peut-elle frapper deux fois ?

On mettra des pincettes. Justice n’a pas choisi la facilité et ne sort pas un 2.0.
Effectivement, le duo a changé tout son matos et crée un son cheap, tout en empilant les références aux quarante dernières années avec des sonorités proches de Pink Floyd, Iron Maiden ou encore AC/DC. Des groupes qui sont rentrés dans l’inconscient collectif. L’inconscient collectif, oui, la clef de voute de ce nouvel album.

Les années 70 sont marquées par l’Audio devenu accessible, les années 80 par la Video - avec les premières VHS, et les années 90 par la Disco.
Vous l’avez peut-être déjà compris, AVD est le pari inconscient qu’ont eu Gaspard et Xavier, celui d’illustrer leur univers de jeunes trentenaires, leurs références populaires et accessoirement celles de centaines de milliers d’autres personnes. Leur rêve juvénile, celui de traverser l’Atlantique et de toucher du doigt les milliers de clichés qu’ils ont emmagasinés via les séries B. Les coups de feu de Magnum, les énormes trucks, les riffs de guitare bien tranchants, l’adrénaline de Die Hard, la moustache, le côté un peu grotesque de toutes ces choses qui font désormais parti du patrimoine audiovisuel mais auxquelles on repense avec toujours autant de baume au coeur. Le souvenir d’une naïveté touchante qui nous faisait aimer sans se demander pourquoi.

Aujourd’hui Justice plante encore une fois les vestiges d’un nouveau lifestyle : le retour vers les 80’s. Les trentenaires bercés aux séries B gravissent les échelons de l’industrie artistique et nous feront prochainement revivre leurs ébats de jeunesse.
C’est en cela que Justice est grand, dans sa capacité à enfoncer les portes et à donner l’illusion de la simplicité. Sa capacité à chercher les références que l’on possède tous et à les faire ressurgir inlassablement avec plus ou moins de vigueur. D’où les avis très mitigés, à vous de voir comment vous viviez ou imaginiez cette époque. Si votre puberté a été complaisante et que votre rêve américain n’a pas pris une ride, foncez.

Paul BOUSQUET

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