samedi 9 juin 2012

Toulouse : comment les défenseurs de l’Occitan cherchent à en faire oublier son folklore

Article destiné à l'EJT, sujet : Folklore.

Sur la Place du Capitole, lorsque l’on interroge un citoyen de la ville rose sur ce qu’est le folklore toulousain, il vous parlera du soleil, des bonnes tables, du rugby ou du Pastis Ô Maître de Chez Tonton. Quand on lui demande sur quoi il est en train de marcher, il saura vous répondre neuf fois sur dix qu’il s’agît de la Croix Occitanne puis se tapotera la tête en disant «Ah beh oui pardi, il y a l’occitan aussi !»

Toulouse, bien qu’elle l’oublie parfois, est l’une des principales capitales de l’Occitanie, l’aire linguistique qui s’étend du nord de l’Espagne au nord de l’Italie, en passant par le pays basque, Monaco et Marseille. Ecrite depuis le XIIème siècle et riche d’une littérature fournie, la langue d’Oc était la langue des troubadours, ces poètes médiévaux qui inventèrent par exemple l’amour courtois en répandant l’idée novatrice de fidélité à la dame plutôt qu’au seigneur, la langue des créateurs d’une vie de château raffinée, révulsés par la barbarie dans une époque où la lame de l’épée baignait constamment dans le sang. 
À partir du XVIème siècle, la royauté imposera peu à peu le français comme langue administrative, affaiblissant la langue d’Oc. À la Révolution, ce seront les jacobins qui, dans une ultime tentative d’unité nationale, imposeront le français comme seule langue officielle. Toutefois, l’occitan perdurera, mais seulement de manière orale, devenant ainsi la langue du bas-peuple sans éducation. On parlera désormais de «patois», une langue populaire sans aucun prestige intellectuel, la langue des paysans et des sous-fifres laborieux. 

En 1901, 59%* de la population française est rurale. Au sud, les gens vivent de leurs terres et cultivent de leurs mains, ils parlent occitan et vont au bal en fin de semaine pour danser la buffatière, la danse des Treilles ou encore la polka. Puis l’exode rural se trame, le secteur primaire de l’agriculture se réduit au profit des services du secteur tertiaire. La transition vers les villes s’opère et les traditions occitannes de sources orales se tarrissent peu à peu. Loin de l’image raffinée de ses débuts, l’inconscient collectif juvénile rejette catégoriquement l’occitan. «L’occitan ? Mais c’est la langue des vieux ça, non ? Mon arrière grand-mère parlait comme ça.» nous confie Laura, 16 ans, élève de 1ère. 
Quand on lui parle de manifestations folkloriques, Jean-Pierre, 76 ans nous rétorque avec soupirs que «ça ne se fait plus, les jeunes préfèrent aller en discothèque que danser au bal, ça peut se comprendre mais du coup, plus personne ne transmet la tradition.» 

Pourtant, depuis sa création en 1998, l’association Convergéncia Occitania de Toulouse met tout en oeuvre pour redorer le blason de l’Occitan. Proposant des cours ou des spectacles culturels tels que le festival Seméserem du 6 et 7 juillet 2012. Daniel Périssé, membre du bureau, nous explique que «l’occitan doit prendre un nouveau souffle, se détacher de cette image de fanfare folklorique qui le dessert. L’occitan doit être réintroduit à sa juste valeur, celle de langue des troubadours, savante, chantante et raffinée.» 

Une vision partagée par les parlementaires qui ont adopté le 22 mai 2008 un amendement modifiant l’article 1er de la Constitution en y incluant la reconnaissance des langues régionales comme «patrimoine de la nation». Une victoire qui s’illustre aussi par les actes de la mairie de Toulouse. Le député-maire Pierre Cohen a mis en place à la rentrée 2009 l’annonce des stations du métro toulousain en français, puis en occitan. Les plaques des rues de l’hypercentre sont elles-aussi traduites et certaines classes de maternelles, en école publique, parlent aussi occitan. Daniel Pisseré conclut : «Dans l’absolu, même si ce n’est certainement pas possible pour le moment, on aimerait une sorte de fédéralisme informel, comme en Espagne entre catalans et castillans». 
Une option qui passerait d’abord par la reconnaissance du statut officiel de l’occitan et des autres langues régionales par la loi et la Constitution, objet de la manifestation occitane du 1er avril dernier à Toulouse à laquelle avait participé Eva Joly qui s’engageait dans ce sens. Les occitans ne sont pas les seuls à revendiquer cette reconnaissance des langues régionales, les corses et les bretons ont les mêmes ambitions. Dans une Europe qui veut reconnaître ses racines, notamment avec sa Charte des Langues Régionales et Minoritaires signée par la France en 1999, Jean-Marc Ayrault se devra tôt ou tard de clarifier la position de son nouveau gouvernement sur le sujet, en tenant compte de l’avis réticent du Conseil Constitutionnel mais aussi de François Hollande, qui a inscrit la ratification de cette charte parmi ses 60 propositions.

Paul Bousquet

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